La nouvelle campagne publicitaire initiée par le Forum Nucléaire (association regroupant les industriels de l’atome) pour défendre son business déferle actuellement à travers la presse, les écrans et les panneaux d’affichage du pays. Lles procédés et arguments utilisés par le lobby nucléaire pour défendre ses très juteux intérêts sont plus que contestables. En effet, alors que l’enjeu majeur voire unique de cette communication réside dans la remise en cause de la fermeture des centrales, le Forum sème le trouble et la confusion en y associant les autres usages, notamment médicaux, du nucléaire Le procédé est un classique de la propagande : on fait appel à des éléments fallacieux, totalement déconnectés du débat, afin de semer la confusion et détourner l’attention des enjeux réels…
Dans la campagne du Forum Nucléaire, les usages médicaux du nucléaire (du rayon X au scanner en passant par la radiothérapie utilisée contre certains cancers) sont ainsi mis sur le même pied que la production électrique générée à partir de l’atome. Et l’amalgame ne s’arrête pas là puisque d’autres applications comme la datation au Carbone 14, le traitement des aliments par ionisation ou la sécurisation des pièces d’avion sont également intégrées dans un grand tout indifférencié.
Il importe donc de rappeler l’objet du débat actuellement en cours et que l’on cherche à occulter derrière ce rideau de considérations superfétatoires : doit-on, oui ou non, maintenir la « loi de sortie du nucléaire » votée en 2003 et planifiant entre 2015 et 2025 la fermeture des réacteurs en activité sur le territoire belge. Fermeture qui – il est pathétique de devoir le préciser… – ne mettrait en cause ni les radiologies, scanners et radiothérapies pratiqués dans nos hôpitaux, ni la sécurité aérienne, ni le travail des archéologues ! Autrement dit, il ne s’agit pas de savoir si on est « pour ou contre le nucléaire » mais bien de déterminer si continuer à produire de l’électricité à partir de l’atome est le meilleur choix…
La Fédération Inter-Environnement Wallonie ne s’étonne pas que le lobby nucléaire en général et Electrabel en particulier répondent « oui » et cherchent à faire perdurer une situation leur assurant une formidable manne financière. La défense de leurs intérêts ne justifie toutefois pas qu’ils usent de techniques relevant de la manipulation. En poussant à l’extrême la logique ( !) développée, les cartels de l’opium pourraient en effet revendiquer la fin de leur mise hors la loi au prétexte que leur matière première trouve une application thérapeutique dans la morphine !
En juin dernier, nous avions attribué notre « Chardon 2009 » au Forum Nucléaire suite à une première campagne accumulant les affirmations tronquées et les contre-vérités. Cette seconde vague va encore plus loin et continue à éviter les vrais débats, ceux portant sur la sécurité des centrales, le traitements des déchets, le coût réel du nucléaire mais aussi et peut-être surtout sa pérennité. Car contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, il ne s’agit en rien d’une énergie abondante et illimitée. Selon les estimations de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (peu suspecte de lobbying anti-nucléaire !) les réserves mondiales d’uranium couvrent tout au plus 60 ans dans un scénario « business as usual », c’est-à-dire en fonction de la demande actuelle, alors que la mode est à la construction de nouveaux réacteurs… dont les besoins en matière première écourteront l’échéance. On peut dès lors interpeller le Forum Nucléaire sur son propre terrain : ne vaut-il pas mieux épargner ces réserves pour les utilisations médicales du nucléaire ? A quoi bon les épuiser (qui plus est en générant des déchets qui font peser une lourde hypothèque sur les générations futures) alors que des sources de productions alternatives existent… pour autant – mais ça, c’est également valable avec le nucléaire – que nous réduisions notre demande.
Le Forum Nucléaire a choisi la stratégie de l’amalgame. Nous préfèrons celle de la clarté et de la transparence. Elle (re)demande donc un véritable forum sur le nucléaire – et, par-delà, sur l’avenir énergétique du pays. Elle ne doute pas qu’un débat sans tabous mais aussi sans enjeux parasitaires (notamment la volonté de lier la prolongation des centrales à la perception d’une « rente » salutaire pour les finances de l’Etat) démontrera la pertinence de tourner la page de l’atome.