Le lundi 14 Mai, la Libre Belgique publiait un baromètre politique réalisé en collaboration avec la RTBF et Dedicated Research. Il est utile, il est nécessaire – il est indispensable de revenir sur l’une des nombreuses informations issues de ce sondage et qui semble n’avoir pas fait l’objet d’une analyse particulière au moment de sa publication. Une des questions visait à déterminer l’indice de confiance et les préoccupations des Belges : « Le tableau qui suit reprend une série de thématiques. Pour chacune d’elles, pouvez-vous indiquer si vous vous sentez rassuré(e) pour l’avenir. Veuillez attribuer une note entre 1 et 10. »
L’indice de confiance global pour les 22 thématiques proposées était de 5,5 (moyenne belge), la plus cotée pointant à 6,8 (qualité des soins de santé) contre 4,4 pour la moins cotée (confiance des citoyens envers la classe politique). La sécurité routière arrivait en sixième position, avec un score de 5,8.
L’attribution d’une cote supérieure à la moyenne pour la sécurité routière est profondément choquante et révélatrice d’une tendance culturelle lourde à considérer d’un œil bienveillant tout ce qui se rapporte à l’automobile. La sécurité routière est, objectivement, un grave problème sociétal :
• en 2009, on a recensé en Belgique 47.794 accidents1 de la route avec blessés et/ou tués qui ont fait 63.661 victimes : 56.077 blessés légers, 6.640 blessés graves et 944 tués (soit l’équivalent d’une catastrophe de Buizingen par semaine ou d’un 11 septembre tous les trois ans) ;
• selon l’IBSR, 5% des tués, 50% des blessés graves et 65% des blessés légers ne sont pas enregistrés et ne sont donc pas intégrés dans les chiffres précités (ce problème de sous-enregistrement est généralisé dans tous les pays ayant un système d’enregistrement des accidents de la route et n’est pas donc spécifique à la Belgique) ;
• les évolutions récentes ont de quoi interpeller. Si la Belgique a enregistré des progrès remarquables sur les cinq premières années du nouveau millénaire (1.616 tués en 2000 et 1.089 en 2005, soit une diminution de 32,6%), les améliorations semblent vouloir marquer le pas depuis. Un phénomène auquel la surenchère permanente entre constructeurs en matière de caractéristiques dynamiques (accélération, vitesse de pointe) et de masse des véhicules n’est pas étrangère.
Manifestement, la population, soumise à l’incessant matraquage publicitaire de l’industrie automobile, a du mal à intégrer les messages notamment diffusés par l’IBSR et le SPW au travers de leurs campagnes d’information et de sensibilisation. Voilà une raison supplémentaire, si besoin était, de relancer la demande de la Fédération pour l’interdiction de la publicité pour les voitures (Position de la Fédération Inter-Environnement Wallonie : Résister à la publicité).
L’amélioration de la sécurité routière passe par la mise en œuvre des recommandations des Etats généraux de la sécurité routière et, à l’échelle de la Wallonie, de celles du Conseil supérieur wallon de la sécurité routière qui seront diffusées lors du colloque du 15 juin. Mais le traitement de ce grave problème sociétal requiert également de porter un regard neuf, sans concessions, sur l’automobile et de s’attaquer, enfin, à ses dérives au lieu de les considérer d’un œil au mieux indifférent, au pire bienveillant. Non, il n’est pas normal de fabriquer, d’homologuer, de mettre en vente des véhicules toujours plus lourds, toujours plus puissants, dont la vitesse de pointe est de très loin supérieure à la vitesse maximale autorisée sur les routes européennes (à l’exception de quelques kilomètres d’autoroutes allemandes qui semblent n’avoir d’autre raison d’être que de cautionner l’existence de voitures surpuissantes). Il faut cesser de s’extasier devant les engins nés de cette course à la « performance ».
Un regard neuf, lucide, sur l’automobile et ses dangers est, répétons-le, indispensable. Il s’agit véritablement d’un devoir d’hommage, d’un devoir de respect par rapport aux victimes de la route et à leurs familles. Ces victimes, avec celles (stress, maladies cardio-vasculaires, …) du bruit des transports et celles (affectations des voies respiratoires, problèmes mutagènes et cancérigènes) des émissions polluantes directement issues des voitures et camions (monoxyde de carbone, oxydes d’azote, particules fines, composés organiques volatils) ou induites (ozone troposphérique) forment la cohorte des sacrifiés sur l’autel de notre système de mobilité morbide. L’attribution, par la population belge, d’un indice de confiance élevé dans la sécurité routière prouve que, malheureusement, cette cohorte demeure tristement ignorée, méconnue de la majorité des citoyens.
Soumis par Pierre Courbe le mer, 2012-05-30 15:38 Interenvironnement Wallonie.