La Déclaration de Politique Régionale (DPR) élaborée par la nouvelle majorité wallonne en 2009 promettait une meilleure prise en compte du principe de précaution en matière de risques liés à l’exposition du public aux ondes électromagnétiques. Trois ans après, qu’en est-il de la concrétisation de ces bonnes intentions ?
Pour rappel, la DPR prévoyait notamment un renforcement du décret relatif à la protection contre les éventuels effets nocifs et nuisances provoqués par les rayonnements non ionisants générés par les antennes émettrices. Un objectif en partie atteint, puisque plusieurs dispositions ont effectivement été prises au cours des derniers mois afin de renforcer la législation en vigueur. Mais tout est loin d’être parfait. Reste à espérer que le Gouvernement ira jusqu’au bout de ses engagements.
Un cadastre enfin actualisé et accessible !
Parmi les mesures récemment prises, on notera la mise à jour et la publication du cadastre des antennes de téléphonie mobile implantées sur le territoire wallon. Réalisé par l’IBPT (Institut belge des services postaux et de télécommunications) en collaboration avec l’administration wallonne, ce cadastre permet à tout un chacun de localiser les différents émetteurs et de connaître leurs caractéristiques techniques (puissance, nature et orientation de l’antenne, etc.) ainsi que leur propriétaire. La liste, consultable sur Internet est mise à jour tous les mois.
Des contrôles différenciés
Autre nouveauté : le type de contrôle effectué sur les installations afin de vérifier le respect de la norme d’immission de 3 volts/mètre/antenne. Alors que le décret du 3 avril 2009 prévoyait des contrôles systématiques a posteriori pour chaque antenne, le ministre wallon Philippe Henry a décidé de modifier la procédure en recourant plutôt à des contrôles inopinés, soit à la demande d’une commune ou d’un fonctionnaire délégué, soit à l’initiative de l’ISSeP. « Nous modifions juste les conditions de contrôle. Les contrôles inopinés sont plus sûrs que les systématiques qui sont prévisibles, donc susceptibles de donner lieu à des fraudes », a expliqué le porte-parole du ministre Henry. Néanmoins, afin de prendre en compte les populations sensibles, certains périmètres situés autour des crèches, hôpitaux, écoles, etc., seront encore soumis aux contrôles a posteriori.
Les contrôles a priori qui permettent de mesurer le rayonnement électromagnétique déjà présent sur le lieu d’une future implantation d’antennes ont quant à eux été maintenus.
De plus, l’ISSeP a été mandaté pour réaliser des mesures chez les particuliers désireux de connaître leur niveau d’exposition1. Un service qui était auparavant assuré par l’IBPT, lorsque la définition de normes d’exposition relevait encore du pouvoir fédéral.
Enfin, une procédure d’agrément des laboratoires chargés de contrôler les établissements émettant des radiations non-ionisantes a été élaborée afin de garantir davantage la qualité, l’impartialité et la fiabilité de ces contrôles.
A chaque Région sa norme d’exposition
De ce côté-là, rien de neuf! En Wallonie, la norme impose toujours un champ maximum de 3V/m pour les antennes d’un réseau d’un même opérateur installées sur le même support. Chaque réseau d’un opérateur est donc considéré isolément. L’exposition réelle pourrait donc être, dans certains cas, supérieure à la limite de 3v/m s’il y a plusieurs sources (plusieurs opérateurs sur un même support et/ou plusieurs réseaux par opérateur). Si le but est bien de protéger la population, il faut au contraire connaître l’impact de l’ensemble des émetteurs sur chaque habitation, et limiter cet impact, donc la valeur totale du champ à chaque endroit. C’est le cas en Région bruxelloise où la norme de 3V/m est une norme globale : la limite doit être partagée entre les différentes sources.
En outre, la limite définie par le Décret actuellement en vigueur n’est valable qu’à l’intérieur des locaux, les lieux de séjour extérieurs étant exclus. Et il n’existe probablement aucun endroit en Wallonie où le niveau d’exposition à l’intérieur de l’habitat serait égal ou supérieur à 3 V/m en provenance d’un seul réseau de télécommunication.
Pour les associations environnementales, cette norme de 3 V/m reste très insuffisante au regard des incertitudes qui planent encore sur le sujet concernant notamment les effets à long terme de l’exposition des populations à ces rayonnements.
En juillet 2009, le nouveau Gouvernement wallon s’était engagé, dans sa DPR, à emboîter le pas à la Région bruxelloise, qui applique actuellement la norme la plus stricte. Tous les citoyens belges doivent en effet pouvoir bénéficier d’un même niveau de protection face aux nuisances potentielles provoquées par les rayonnements électromagnétiques. Trois ans après ces déclarations, on attend toujours un renforcement de la norme au sud du pays…
Les problèmes que rencontrent les autorités bruxelloises dans la mise en œuvre de la nouvelle norme (difficultés liées à la méthode de mesure du rayonnement des antennes) expliquent sans doute que l’on ne se précipite pas du côté wallon. Il semblerait en effet que, chez le Ministre Henry, on attende de voir comment les collègues bruxellois s’en sortent avant de s’engager dans la même voie.
A quand le permis d’environnement ?
En Wallonie, les antennes de téléphonie mobile sont toujours soumises à permis d’urbanisme et à déclaration environnementale. Ici encore, bruxellois et wallons ne sont pas logés à la même enseigne. En effet, en Région bruxelloise, c’est le permis d’environnement qui est de rigueur. Ce qui permet aux habitants de faire valoir des arguments liés à la santé lors des enquêtes publiques. La nouvelle majorité wallonne s’était pourtant engagée, en 2009, à soumettre à permis d’environnement avec enquête publique l’implantation de toute nouvelle antenne de télécommunication mobile. Force est de constater que de ce côté-là, rien n’a bougé non plus.
Sensibiliser le public aux dangers des OEM
Si la problématique de l’exposition du public aux rayonnements générés par les antennes-relais est une préoccupation justifiée (on ne connaît pas les effets sanitaires à long terme de ce type d’exposition faible mais continue), elle ne doit pas pour autant occulter les risques bien plus préoccupants encourus par un usage quotidien du GSM et des autres technologies sans fil (DECT, babyphone, etc.). Rappelons en effet qu’en cas de mauvaise couverture du réseau, la puissance maximale rayonnée par le GSM peut entraîner une exposition maximale au niveau de la tête de 100v/m, soit 10 000 fois plus que pour 1V/m (antennes-relais).
Or les citoyens se montrent fort préoccupés par les antennes mais peu par les dangers liés à un usage excessif du téléphone portable. Une attitude pour le moins ambiguë : on s’insurge contre l’implantation d’un pylône à coté de chez soi mais on exige d’avoir du réseau partout et tout le temps !
Il est donc indispensable d’informer davantage le public et d’encourager les comportements préventifs (port de l’oreillette, recours aux sms, haut-parleur, temps de communication limités, etc.) mais également de décourager l’usage du GSM par les enfants et les jeunes de moins de 16 ans (publicités, portables pour petits, etc.).
Et pourtant, en Wallonie comme à Bruxelles, aucune campagne de sensibilisation n’a vu le jour au cours des dernières années. Quelques brochures d’information ont été éditées par le service public fédéral de la santé mais ce type de support peu diffusé ne touche qu’une partie de la population.
En outre, aucune disposition n’a encore été prise par les autorités (fédérales cette fois) concernant l’affichage clair, visible et lisible des niveaux d’émission des GSM, tant dans les lieux de vente que sur les publicités. Un projet d’Arrêté royal relatif à l’information des consommateurs concernant le débit d’absorption spécifique de l’énergie (DAS) et la publicité pour les produits destinés au consommateur qui émettent des ondes radio avaient pourtant vu le jour en 2011. Mais il semble être passé aux oubliettes avec l’arrivée du nouveau Gouvernement fédéral.
Cinq ministres concernés et aucune stratégie concertée
Pourquoi les choses évoluent-elles si lentement dans ce dossier ? Il y a tout d’abord les questions de faisabilité technique, concernant l’applicabilité d’une norme plus stricte, par exemple. On constate en effet qu’à Bruxelles, la mise en œuvre de la norme à 3v/m dans l’environnement est loin d’être simple.
La lourdeur de certaines procédures administratives est également un frein majeur à toute évolution rapide. La gestion et la mise à jour des dossiers de demande d’implantation d’antennes en cas de passage d’un permis d’urbanisme à un permis d’environnement pourrait vite devenir une usine à gaz.
Enfin, la répartition des compétences dans le domaine entre cinq ministres ne simplifie pas les choses : deux ministres régionaux (Santé, Environnement) et trois ministres fédéraux (Santé publique, Information des consommateurs et Technologies de l’information) sont en effet concernés par le développement des technologies sans fil. Or aucun stratégie intégrée n’a jusqu’à présent été développée de manière coordonnées par ces différentes autorités compétentes. Une stratégie qui devrait permettre de prendre une série de mesures de normalisation, d’information et de sensibilisation ainsi que des mesures d’harmonisation des différentes législations (notamment celles relatives aux seuils d’exposition aux antennes GSM).
Prévenir plutôt que guérir
Tandis que la confusion voire l’inquiétude règne au sein d’une partie de la population, le développement des technologies sans fil gagne du terrain, sans complexe. Car si ces appareils offrent une multitude d’avantages dont il semble que l’on ne pourrait plus se passer une fois qu’on y a pris goût, il ne faut pas pour autant sous-estimer les impacts sanitaires de leur usage sur le long terme. Peut-on mettre en péril la santé des citoyens au nom de l’évolution technologique ?
Dans le chef de nombreux politiques, l’absence de consensus scientifique sur le risque sanitaire de l’exposition du public aux rayonnements ne doit pas nécessairement conduire à l’adoption de politiques plus préventives. Le raisonnement qui sous-tend cette opinion est le suivant : tant qu’il n’est pas prouvé que le risque n’est pas acceptable, il n’ y a pas lieu de s’inquiéter et de prendre des dispositions particulières.
C’est tout le contraire de ce que prône le principe de précaution selon lequel l’absence de certitudes compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable.
Virginie Hess le mer, 2012-05-30 14:5 Interenvironnement Wallonie